Intervention de M. Abdoul MBAYE

Ancien Premier Ministre

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs

Je commencerai par féliciter le « Forum Initiatives citoyennes » pour cette initiative particulière, venue à point nommé sous la forme d’un débat sur une question essentielle et d’actualité ; aussi parce que je suis convaincu que les initiatives citoyennes constituent la juste voie du futur entre les propositions relevant de dogmes et d’idéologies d’une part, du populisme d’autre part. 

Je commencerai par féliciter le « Forum Initiatives citoyennes » pour cette initiative particulière, venue à point nommé sous la forme d’un débat sur une question essentielle et d’actualité ; aussi parce que je suis convaincu que les initiatives citoyennes constituent la juste voie du futur entre les propositions relevant de dogmes et d’idéologies d’une part, du populisme d’autre part.

Puisqu’il s’agit d’introduire et de contribuer à provoquer un débat, je tâcherai d’être le plus synthétique possible, réservant le retour à des détails plus précis en réponse à d’éventuelles questions qui ne manqueront pas d’être posées. 

Le thème de la conférence est un appel à des propositions. Les miennes vous sont proposées en deux chapitres principaux :

En première partie, et parce que les systèmes monétaires n’ont pas attendu notre conférence pour s’inventer, je retiendrai que le modèle existe déjà sans être optimal, et proposerai un fil conducteur pour le transformer en exemple. 

En seconde partie, des propositions porteront sur les ruptures nécessaires pour transformer le modèle retenu en exemple attrayant  (dans l’objectif de son possible élargissement)  ou à imiter  (dans le souci de sa reproduction dans d’autres sous régions de notre Continent).

Le modèle existe sans être optimal 

En raison des leçons de l’histoire récente qui détermine les prochains défis de notre planète que je vois défis de souveraineté dont le caractère crucial a été mis en exergue par la crise du covid 19 puis la guerre Ukraine-Russie. La nouvelle géopolitique planétaire accouchera d’un nouvel ordre ou nouvel équilibre mondial. 

La périphérie de ce monde essentiellement occupée par l’Afrique s’éloignera encore davantage de la route de la prospérité. Le développement autocentré est le nouveau chemin. Il n’est possible que dans le cadre de nations regroupées pour devenir fortes ensemble

L’heure est d’ailleurs déjà celle des grands ensembles dictant leurs règles et exigences, fussent- elles idéologiques, géopolitiques, économiques et commerciales. 

  1. Le modèle ne peut être celui du format réduit, mais plutôt celui du regroupement et de l’intégration entre pays au sein d’une région ou d’une sous-région. Sans toutefois perdre de vue que l’ambition du périmètre trop étendu peut créer inefficacité et lenteur mesurée en terme de décades perdues.
  2. Le modèle monétaire que nous recherchons aujourd’hui ne peut donc être que d’intégration monétaire d’une part, et ne peut cependant servir un ensemble en termes de progrès économique global qu’en existant dans le cadre d’une intégration économique d’autre part. 




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C’est le modèle qu’offrent au monde l’UEMOA et l’UMOA depuis au moins 1994 lorsque la création de l’Union Economique a été retenue comme indispensable pour consolider et préserver l’Union Monétaire après le choc de l’unique dévaluation que le franc CFA ait connu. C’est ce modèle qui a ensuite été imité par l’Union européenne. Il n’est cependant pas le modèle parfait.

Ce modèle reste en effet à mes yeux imparfait et figé. C’est pourquoi il a été longtemps soumis à de vives critiques. Celles-ci ont imposé les réformes de décembre 2019. Mais je pense que ces réformes sont insuffisantes lorsqu’elles n’ont pas correspondu à de simples leurres.

Il me semble par conséquent nécessaire de faire le choix de véritables ruptures qui pourraient nous conduire vers le juste modèle en mesure de créer un mouvement global d’émergence économique partagé entre les différents membres d’une union économique et monétaire constituée. L’objectif étant bien entendu que chaque membre gagne davantage en union que seul. C’est également ce principe qui doit permettre la mesure de la réussite du projet.

Toutes les réformes ou ruptures que je souhaite proposer pour cheminer vers un modèle monétaire optimal le sont à l’aune des défis de souverainetés, qu’il s’agisse de la protection, du renforcement ou de la recherche de souverainetés en dyptique :
1-souveraineté globale de l’ensemble concerné, et 

2-souveraineté individuelle de chaque pays membre.

Pourquoi ?
Revenons à la guerre Russie-Ukraine, et avant cela au gel des avoirs de pays que l’on cherche à détruire (exemple de l’Iran).
Les avoirs à l’étranger sont constitutifs des réserves en devises, elles-mêmes contrepartie essentielle de l’émission monétaire et instrument indispensable pour le commerce et la croissance d’une nation.

Le blocage de ses avoirs est devenu une arme de combat majeure pour contraindre un pays souverain à baisser les armes, à abandonner des postures jugées par lui d’intérêt national.
Les réserves apparaissent comme l’élément majeur de souveraineté d’un État. En dépendent : 

1. sécurité militaire (achat armements),
2. sécurité alimentaire (achat de produits alimentaires essentiels ou en complément de 

productions nationales),
3. sécurité sanitaire (achats médicaments et équipements)
4. et même la sécurité intérieure mise en cause par les conséquences en matière de pénurie 

et de hausse des prix. 

La politique monétaire se doit donc de replacer le rôle des réserves et celui de leur nature comme primordial avant même ce qu’elles produisent comme monnaie dont elles sont une des contreparties. 

Plus près de nous, au sein de la zone UEMOA, des décisions de sanction ont été prises par la Conférence des chefs d’état de l’Union (9 janvier 2022) endossant celles de la CEDEAO contre le Mali. Ces sanctions ont été prises en l’absence des représentants de cet état, comme moyen d’agir contre de nouveaux pouvoirs nationaux et donc comme attentat à une souveraineté nationale (sans jugement de valeur à porter) ; elles l’ont donc été en violation de la règle principale de l’unanimité des Traités devant permettre la prise de décisions par les organes supérieurs en charge de la gouvernance des institutions communes. Cela doit par conséquent conduire à une double réflexion : 

1. Sur l’exposition au diktat des autres pays membres ligués contre lui d’un pays membre d’une union monétaire, alors qu’il a renoncé à son pouvoir régalien de battre monnaie au profit de la Banque centrale unique ; 

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