LUTTE CONTRE LA COVID-19

Une exigence de responsabilité historique et de courage politique de nos dirigeants

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus, le président de la République a pris une série de mesures destinées à enrayer la propagation du virus sur notre territoire. Elles concernent principalement l’instauration de l’état d’urgence, du couvre-feu de 20h à 06h du matin, la fermeture des établissements scolaires et l’interdiction de rassemblements de populations. Il y a également la dernière en date, relative à la loi d’habilitation, qui lui confère un spectre de prérogatives rarement accordées à un président sous nos cieux.

Ces mesures semblent faire l’unanimité au sein de toutes les forces vives de la nation, à l’exception de celle de la loi d’habilitation. Toutefois, une analyse approfondie de la situation inédite que nous vivons et de la pertinence de ces mesures face à cette situation, devrait nous pousser à davantage de circonspection.

Je souhaiterai partager avec vous, à travers cette contribution, les raisons qui me poussent à développer un tel sentiment. Mais auparavant, j’aimerais d’abord porter à votre attention quelques constats concernant cette pandémie.

Tout d’abord, aucun pays dans le monde actuellement n’est capable de connaître avec précision le taux de contamination de sa population, ni la période exacte à partir de laquelle cette contamination a démarré, pour la simple et bonne raison qu’environ 80% des contaminés sont asymptomatiques, c’est-à-dire ne présentant aucun symptôme de la maladie. Il est donc possible, aujourd’hui, que 40, 60 ou 70% de la population sénégalaise soit contaminée, sans qu’on puisse le savoir. L’absence de dépistage massif ne fait que renforcer cette donnée inconnue

Deuxième constat : le covid 19 est un virus extrêmement contagieux pour tout le monde, mais peu dangereux pour les enfants et les personnes dont le système immunitaire n’est pas affaibli par une autre maladie. En réalité, il est dangereux pour les personnes dont le système immunitaire est affaibli, soit par la vieillesse, soit par d’autres maladies (diabète, cancer, hypertension, insuffisance rénale, etc.). Il est également vrai que les enfants, même s’ils ne sont pas en danger de mort en cas de contamination (sauf cas exceptionnels), peuvent être des porteurs actifs du virus et des catalyseurs de sa propagation.

Mais, pour une fois, la pyramide des âges de notre population joue en notre faveur, face à ce « Hitler bactérien », puisque nous avons une population majoritairement jeune, donc à priori, en bonne santé.  De ce qui précède, découle l’idée logique de bien faire la distinction entre contraction de la maladie et aggravation de la maladie. Cette nuance me semble décisive, particulièrement en ce qui concerne notre pays puisqu’il est possible, comme je le rappelais plus haut, que nous ayons un fort taux de contamination, sans pour autant avoir des cas graves.

Troisième constat : des trois mesures principales édictées et appliquées par la « communauté internationale » (pour ne pas dire l’Occident), à savoir le confinement, le dépistage massif et l’usage de masques, le Sénégal n’est en mesure d’adopter aucune, au même titre que la plupart des pays sous-développés d’ailleurs. En effet, s’agissant du confinement, nos conditions d’habitat et le profil des acteurs économiques ne permettent pas d’envisager un confinement dans notre pays. 


Un rapport du Forum Prospectif de l’Afrique de l’Ouest, intitulé « l’Afrique de l’Ouest face au Covid 19 » a fait une excellente analyse que je partage et qui indique que « la possibilité d’appliquer des mesures de confinement intégral calées sur les approches à l’œuvre en Italie ou en France interroge ».


Ce rapport rappelle que 80% de la population active ouest-africaine tire ses revenus d’activités informelles et que cette frange majoritaire de la population ne dispose pas de réserves financières pour faire face à une brusque cessation de leurs activités. Le même rapport signale également que les conditions d’habitat, aussi bien en ville que dans les campagnes, rendent quasiment impossible le confinement total. Je pense à mon ami BALDE, qui vit avec 11 autres personnes dans une pièce de 10m carré. Pour dormir, les 12 bonhommes utilisent la fameuse technique des 3×8 qu’utilisent les entreprises industrielles. Comment devront-ils faire en cas de confinement total ? Et les milliers de sénégalais qui sont obligés de sortir de chez eux chaque jour pour espérer manger une fois dans la journée…

Enfin, dernier constat : la vague de cas graves et de morts a une courbe relativement constante en Afrique et, au Sénégal, elle est quasiment nulle, nonobstant l’avènement d’un cas grave (rapatrié en France à sa demande), et le décès de notre cher Pape Diouf (RIP). En effet, si le nombre de contamination augmente selon les chiffres officiels de 10 à 20 cas par jour, ces mêmes chiffrent n’indiquent pas de cas graves ni de morts, à l’exception de ceux que je viens de citer.

Face à ces constats, deux hypothèses se présentent à nous, une optimiste et une malheureusement très pessimiste.

La première hypothèse est de considérer que la vague « d’apocalypse » qui se déverse actuellement en Europe et aux Etats-Unis suit froidement sa trajectoire et, après être passée en Asie, en Europe et maintenant en Amérique, va s’abattre durement sur l’Afrique, telle un tsunami.

Quant à la seconde hypothèse, elle consiste à postuler l’existence d’un facteur de résilience qui existe, soit dans notre environnement (chaleur, environnement déjà fort corrompu, que sais-je), soit en nous-mêmes pour des raisons inconnues (je rappelle que toutes les générations avant 1990 se sont gavées de la fameuse nivaquine pendant des années pour se protéger du paludisme, qui sait) et qui nous épargne de la vague de cas graves et de décès constatés ailleurs dans le monde.

Voyons maintenant quelles sont les conséquences de ces deux hypothèses et en quoi les mesures prises par le gouvernement sénégalais ne sont pas adaptées et pourraient même s’avérer dangereuses.

Dans le premier cas de figure, cela voudrait dire qu’en réalité, une grande majorité d’africains est déjà contaminée, mais avec une période d’incubation décalée de 15 à 20 jours par rapport au reste du monde. C’est exactement ce qui s’est passé entre l’Asie et l’Europe, et après les Etats-Unis. Au moment où Donald Trump minimisait la portée de cette crise, le virus était déjà bien présent aux usa et couvait tranquillement avant d’exploser.

Si cette hypothèse était avérée, toutes les mesures qui ont été prises ne serviront à rien puisque nous risquons d’assister, dans les quinze prochains jours, à une hausse fulgurante du nombre de cas graves et de décès et, le cas échéant, nos structures sanitaires seraient totalement dans l’incapacité d’accueillir le flux de malades et nous serions dans un scénario d’apocalypse et de risque de guerre civile. En tout cas, c’est le scénario que prévoient les think thank gaullois, en l’occurrence le Centre d’Analyse, de Prévision et de Stratégie du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères. En partant du principe que le virus va s’abattre sur notre continent de manière massive et brutale et que les systèmes de santé nationaux peuvent être considérés comme saturés d’office, ils résument leur réflexion comme suit : « la crise du covid 19 peut être le révélateur des limites de capacité des Etats, incapables de protéger leurs populations. En Afrique notamment, ce pourrait être la crise de trop qui déstabilise durablement, voire qui met à bas des régimes fragiles (Sahel) ou en bout de course (Afrique centrale). Vu d’Afrique, le covid 19 se présente sous la forme d’un chronogramme politique qui va amplifier les facteurs de crise des sociétés et des Etats. Face au discrédit des élites politiques, il convient de trouver d’autres interlocuteurs africains pour affronter cette crise aux conséquences politiques ». La messe est dite…

Au regard de ce qui précède, en quoi les mesures de confinement à l’autruche, de couvre-feu et de couvre-peur, d’état d’urgence et d’urgence d’état (loi d’habilitation) pourront-elles nous sauver si le scénario décrit plus haut se réalisait ? Au contraire, à la crise sanitaire, viendra quand même s’ajouter une crise économique et sociale, du fait de l’arrêt brutal, et finalement, inutile de l’activité économique de survie de millions de sénégalais. Un cocktail explosif qui conforte et confirme ces théories apocalyptiques.

Je vous avoue que j’ai tellement du mal à imaginer un tel scénario que mon esprit refuse de produire un quelconque livrable en matière de solution s’il devait advenir….

S’agissant de la seconde hypothèse, que j’espère vivement être la bonne, elle part du même postulat que la première, à savoir que la contamination de la population est beaucoup plus importante que les chiffres que l’on nous présente. Mais, contrairement à la première hypothèse, il n’y aura pas d’explosion subite du taux de cas graves et de décès parce que la plupart des personnes contaminées sont, soit asymptomatiques, soit avec des symptômes mineurs ne nécessitant pas une prise en charge médicale. Cela pourrait expliquer le fait qu’on n’ait pas encore constaté de rush dans les structures de santé pour raison de coronavirus (prions que ça dure !).

Cela voudrait dire également que, dans les quinze prochains jours, il y aura certes une hausse sensible de la courbe de contamination, mais celle de décès et de cas graves devrait rester stable. Et l’usage généralisé de la chloroquine pourrait aider à maintenir cette courbe stable. Avec la régression de la pandémie dans le monde qui semble s’amorcer, le Sénégal devrait pouvoir s’en sortir sans trop de dégâts, en termes de pertes de vies humaines liées au virus.

Par contre, même si ce scénario semble idéal, il est sérieusement remis en question par le risque d’une crise économique et sociale. En effet, si l’on reste dans la logique de ce scénario, il faudrait apporter plus une réponse économique à la pandémie, en prenant toutes les dispositions pour que l’économie soit le moins impactée par cette pandémie…pour le jour d’après. C’est le choix que certains pays, comme la Suède ou la Hollande, ont fait en décidant d’opérer un confinement différentiel. Ce dernier consiste à confiner uniquement les personnes âgées et les personnes dont le système immunitaire est affaibli et de laisser les autres catégories d’individus continuer normalement leurs activités. C’est ainsi que les entreprises continuent à travailler et les écoles ouvertes. Ainsi, ils misent sur une sorte d’immunité collective qu’ils développeront au contact collectif du virus par les individus les plus robustes. A ce jour, ces deux pays n’ont pas connu de croissance de leur courbe de décès plus importante que les pays qui ont adopté le confinement total. Dans tous les cas, j’estime que les hommes politiques de ces deux pays ont fait preuve de courage, de lucidité et de responsabilité face à l’histoire et devant leurs peuples respectifs. Ils ont également pris en compte toutes leurs particularités économiques, sociales, culturelles pour prendre le sens contraire de la majorité. L’Histoire jugera…tout le monde, même lorsqu'elles ne sont écrites que pour une seule personne. Si vous essayez d'écrire en pensant à un public large et général, votre histoire sonnera fausse et manquera d'émotion. Personne ne sera intéressé. Ecrire pour une personne en particulier signifie que si c'est authentique pour l'un, c'est authentique pour le reste.


LUTTE CONTRE LA COVID-19
GOMIS Samuel 10 août 2022
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